Point conjoncturel – Février 2022

La Fed durcit le ton

Le PIB américain a progressé de +6,9% en rythme annualisé au quatrième trimestre pour revenir sur sa tendance d’avant 2020. Il se situe désormais 3% au-dessus de son niveau de fin 2019. Le principal moteur a été le stockage, qui a contribué pour 4,9 points à la croissance, suivi par la consommation des ménages.

La variation des stocks ayant atteint un niveau très élevé, il est probable qu’un ralentissement s’observe au premier trimestre. Pour autant, le niveau des stocks, notamment de biens durables, reste relativement faible. Leur reconstitu-tion pourrait donc se poursuivre dans les prochains mois.

Après un tassement lié au Covid-19, les données d’activité et les enquêtes auprès des entreprises rebondissent, la situation sanitaire s’améliorant. La consommation des ménages a progressé de +1,5% en volume en janvier et le PMI* composite est passé de 55,5 à 57,5 en février, grâce à une forte hausse du PMI des services qui est passé de 51,2 à 56,7.

Les créations d’emplois sont dynamiques, avec 467 000 postes créés en janvier, un chiffre très supérieur aux attentes. Les chiffres des deux mois précédents ont été revus en hausse de +709 000 en cumulé, mais cela s’explique essentiellement par des modifications dans la correction des variations saisonnières impactant négative-ment les mois de juin et juillet. Le taux de chômage est remonté de 3,9% à 4,0% du fait d’une hausse du taux de participation.

Le salaire horaire continue de progresser à un rythme rapide, atteignant désormais +5,7% sur un an. Le nombre d’offres d’emplois à pourvoir ne diminue pas et reste proche des plus hauts historiques. Autant de signes qui indiquent que le marché du travail est toujours très tendu.

Les tensions inflationnistes ne montrent pas non plus de signe d’apaisement. L’inflation globale a accéléré de +7,0% à +7,5% sur un an en janvier et de +5,5% à 6,0% hors énergie et alimentation. Les prochains mois pourraient amener un ralentissement des glissements annuels, les chiffres ayant été très élevés au printemps dernier, mais cela ne résoudra pas les tensions.

Dans ce contexte, la Fed** a confirmé que les achats d’actifs se termineront début mars en indiquant qu’il sera « bientôt » approprié de relever les taux, ouvrant ainsi la voie un premier relèvement lors de sa prochaine réunion du 16 mars. Le discours de Jérôme Powell a amené une nette révision en hausse des prévisions de taux d’intérêt pour cette année, mettant en avant les risques haussiers sur l’inflation et n’excluant pas de remonter les taux à chacune des sept prochaines réunions. En revanche, le niveau final des taux dans ce cycle est toujours estimé autour de 2%.

 

*PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service.

**Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.

Poursuite de la reprise malgré les tensions géopolitiques

L’augmentation des tensions géopolitiques avec la Russie interroge sur les possibles répercussions économiques pour l’Europe.

Le premier canal de transmission pourrait être une diminution des exportations vers la Russie, en cas d’embargo ou de ralentissement de l’économie russe. Pour l’UE, les exportations vers la Russie ne représentent que 1,6% du total (0,5% du PIB). Suite à l’invasion de la Crimée par la Russie, les exportations de l’UE vers cette dernière avaient déjà diminué de moitié. Une baisse de la même ampleur pourrait donc retrancher 0,25% de PIB.

Le canal principal par lequel les économies européennes peuvent être impactées se trouve du côté de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Entre 80% et 90% du gaz consommé en Europe est importé et le ratio est proche de 100% pour le pétrole. La Russie fournit environ 25% du pétrole et 45% du gaz européen.

L’hypothèse la plus négative serait celle d’une baisse, voire d’un arrêt des importations de pétrole et de gaz. Dans un tel scénario, se pose la question du niveau de stockage et du recours à des sources alternatives. Ce scénario est toutefois non central. Les autorités russes ont à plusieurs reprises déclaré vouloir maintenir les flux et l’économie russe reste très dépendante de ces exportations. La décision reposera principalement sur le choix de l’Union européenne dans le cadre des sanctions envers la Russie.

Se pose également la question du prix. Si l’on prend comme référence le point haut des prix du gaz de décembre, et le niveau actuel des prix du pétrole, la facture énergétique de l’UE pourrait augmenter d’environ 40% par rapport à l’année passée, ce qui représenterait un choc de 1 point de PIB pour l’UE. Cela est loin d’être négligeable, mais pourrait être amorti par une poursuite des mesures de prise en charge de la hausse des coûts de l’énergie par la puissance publique.

Par ailleurs, ce choc intervient dans un environnement jusqu’alors porteur pour la croissance. La fin de la vague Omicron permet un net rebond de l’activité. Le taux de chômage est au plus bas et les ménages disposent encore d’une sur-épargne abondante pour absorber le choc. Les prévisions de croissance pour l’UE sont de 4,1% en 2022 et 2,6% en 2023, donc un choc de 1 point de PIB étalé sur les deux ans n’empêcherait pas la croissance de se maintenir au-dessus de son potentiel.

On notera enfin que la crise devrait à nouveau jouer en faveur d’une hausse de l’inflation, liée à l’envol des prix de l’énergie. Un impact modéré sur la croissance et haussier sur l’inflation signifie que cette crise ne devrait pas remettre en cause le tournant plus restrictif de la politique des banques centrales. Tout au plus pourront-elles décaler de quelques mois la normalisation.

 

Renforcement des mesures de soutien à l’activité

Après un net ralentissement au troisième trimestre, la croissance chinoise a rebondi plus qu’attendu au quatrième trimestre pour s’établir à +6,6% en rythme annualisé, un niveau proche de celui qui prévalait avant le Covid-19. Les effets de base amènent un ralentissement du glissement annuel, qui passe de +4,9% à +4,0% sur un an. Sur l’ensemble de l’année 2021, le PIB augmente de +8,1%.

 

Les données d’activité de décembre étaient mitigées. La production industrielle est ressortie au-dessus des attentes avec une progression de +4,3% sur an. Les chiffres du commerce extérieur restaient solides, les exportations augmentant de +20,9% sur un an et les importations de +19,5%. Les dépenses d’investissement s’amélioraient dans le secteur manufacturier et dans les infrastructures.

En revanche, la dynamique de la consommation restait faible et le ralentissement de l’immobilier s’accentuait. Les ventes au détail ont augmenté de +1,7% sur un an contre une croissance plus proche de 8% avant la pandémie. L’investissement en immobilier affichait une baisse de 13,9% sur un an, les ventes de logement de 19,4% en volume et les mises en chantiers de 31,2%.

Les données économiques de janvier et février ne seront publiées qu’en mars, mais les enquêtes PMI décrivent un ralentissement de l’activité à l’entame de 2022. La moyenne des PMI de Markit et du NBS* pour janvier a baissé de 50,6 à 49,6 dans le secteur manufacturier, et de 52,6 à 50,9 dans celui des services. Les indicateurs montrent une poursuite de la diminution des ventes de logements, mais les prix de l’immobilier se sont stabilisés en février après quatre mois de baisse.

Dans ce contexte de pression baissière sur la croissance, les autorités ont renforcé leurs mesures de soutien.  Mi-janvier, la banque centrale a abaissé le taux de prêts à un an de 10 points de base à 2,85%, la première baisse du taux directeur depuis avril 2020. Le taux préférentiel offert par les banques a suivi le mouvement. L’assouplissement de la politique monétaire permet un rebond graduel de la croissance du crédit, qui avait nettement ralenti l’année dernière.

Les autorités ont également pris des mesures destinées à aider le secteur de l’immobilier. Des règles auraient été élaborées au niveau national pour permettre aux promoteurs d’accéder plus facilement aux liquidités provenant des préventes et détenues sur des comptes supervisés par les collectivités locales. Avec les craintes de contagion d’Evergrande, plusieurs municipalités avaient limité les retraits en 2021, pour s’assurer que les promoteurs terminent les projets en cours. Les autorités ont également pris des mesures visant à encourager les prêts bancaires pour la construction de logement sociaux.

 

* PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service). Le PMI de Markit est calculé par l’entreprise américaine IHS Markit, tandis que le PMI du BNS est celui du Bureau National des Statistiques de Chine.

 

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-decembr-2021/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 3 mars 2022 et est susceptible de changer.

 

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