Un jeune, une œuvre : nos questions à Etienne de Sauvage

Dans le cadre de sa cinquième année d’études à l’Institut National du Patrimoine, Etienne a réalisé la restauration d’un superbe coffret en bois du XVIIème siècle, dont l’origine reste encore mystérieuse. Retour sur le projet de cet étudiant soutenu par la Fondation Lazard Frères Gestion – Institut de France.

 

Pouvez-vous nous rappeler ce qui vous a amenée à choisir cette œuvre pour votre projet de restauration à l’INP ?

J’ai choisi cette œuvre pour mon projet de restauration car c’est un petit objet mais qui me permet de travailler sur de nombreux matériaux. C’est son aspect composite qui m’a beaucoup intéressé. C’est un condensé d’une multitude de techniques et de matériaux regroupés dans des dimensions très modestes. Sa période de création est une de mes périodes de prédilection, ce qui a motivé mes recherches historiques.

Quelles ont été les principales étapes de la restauration ?

La restauration s’est effectuée en plusieurs étapes, la première étant un dépoussiérage complet. L’ensemble des bronzes a été déposé pour pouvoir être traité à part. Le coffret a ensuite été nettoyé, puis les éléments mobiles et les soulèvements du décor ont été stabilisés par des collages. Les manques et les lacunes ont été restitués et un nouveau système de pieds a été créé.

L’un des pieds du coffret, avant et après la restauration.

Quels ont été les défis techniques, peut-être inattendus, auxquels vous avez été confronté ?

Les principaux défis ont été le nettoyage, qui a fait l’objet de toute une étude expérimentale. En effet, l’enjeu était d’apporter suffisamment d’eau pour solubiliser la crasse sans que celle-ci ne pénètre trop dans le bois et entre les pièces de la marqueterie. Une solution a été trouvée grâce à l’utilisation de gels rigides, permettant une application longue de l’eau tout en retenant celle-ci.

L’autre grand défi a peut-être été de trouver un matériau pour restituer les lacunes d’écaille de tortue. Il est effectivement préférable d’utiliser un autre matériau que celui d’origine pour pouvoir distinguer la restauration de la matière originale. Après de nombreuses recherches, celles-ci ont été comblées par une résine acrylique en plusieurs couches plus ou moins teintées, permettant d’obtenir un effet de profondeur et des nuances rappelant les jaspures de l’écaille de tortue.

Quels ont été les défis techniques, peut-être inattendus, auxquels vous avez été confrontée ?

Le plus grand défi était sans conteste la restauration du cadre. En effet, les restaurateurs de peinture sont rarement confrontés à des objets en trois dimensions. La dorure également demande une expertise particulière. Je me suis entourée de professionnels en la matière qui m’ont aiguillé pour parvenir à comprendre cet objet et à sélectionner les traitements de restauration adéquats.

Qu’avez-vous appris grâce à ce projet ?

Tellement de choses ! En termes de connaissances pures, j’ai pu apprendre beaucoup de choses sur l’ébénisterie du XVIIème siècle et sur ce type d’objets. La démarche expérimentale m’a appris également à avoir un raisonnement scientifique face à des problématiques de restauration.  Enfin, cette année m’a appris beaucoup sur la gestion d’un gros projet et la communication entre les différentes personnes qui y prennent part. Et en termes de restauration, les échanges avec mes camarades de promotion, l’ensemble des ateliers de l’école, mes professeurs et tous les professionnels extérieurs a été d’une richesse incroyable. Je pense peut-être avoir autant mûri dans ma pratique en cette dernière année que pendant les quatre précédentes.

Votre travail a également consisté à mener l’enquête sur l’histoire de cette œuvre. Pouvez-vous nous en parler ?

Oui, en effet, le travail de mémoire consiste d’abord en une étude historique permettant de mieux comprendre le parcours antérieur de l’objet et les altérations qui en sont la conséquence. Pour ma part, l’origine du coffret était inconnue. Les recherches comparatives avec un très grand corpus d’objets a permis de le resituer dans un contexte de création baroque hispano-flamand. Il est très certainement espagnol. Nous ne savons rien de lui si ce n’est qu’il a fait partie de la collection d’un certain Jules Audéoud, qui l’a légué au musée en 1885. Même ses transferts au sein du musée sont obscurs, notamment pendant la période de déménagement de celui-ci. Il est très probable qu’une partie des altérations soit survenue après son arrivée au musée.

Avez-vous déjà en tête de prochaines œuvres sur lesquelles vous aimeriez travailler à l’avenir suite à votre diplomation ?

En tête, on peut avoir de nombreux rêves ! Mais la réalité du terrain fait que nous restaurons ce qui a besoin d’être restauré à un moment donné. C’est un service que l’on rend au patrimoine et aux générations futures avant d’être une satisfaction personnelle. Mais c’est souvent en travaillant sur les sujets qu’on n’aurait pas forcément choisi que l’on fait les plus belles découvertes. Pour ma part, toutefois, j’ai des périodes de prédilection et l’étude de ce coffret m’a donné envie de fouiller plus loin dans l’histoire du mobilier et de la tabletterie du XVIIème siècle. Mais il n’en reste pas moins vrai que c’est le bois en tant que matériau et le mobilier de manière générale qui me passionnent, jusqu’aux créations des XIXème et XXème siècle qui sont aussi d’une richesse incroyable.

Avant et après la restauration (vue du dessus).

 

Une nouvelle action en faveur du patrimoine culturel, historique et artistique de la fondation Lazard Frères Gestion – Institut de France. Pour en savoir plus sur la fondation : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lancement-de-la-fondation-lazard-freres-gestion-institut-de-france/