Taux de défaut : l’heure du bilan après un an de crise sanitaire

Analyse

Par Alexia Latorre, gestionnaire-analyste, spécialiste High Yield chez Lazard Frères Gestion

Le risque de non-remboursement est inhérent aux emprunts High Yield, mais ce risque est souvent surestimé. Les 12 derniers mois en ont été la parfaite illustration. Malgré une crise sans précédent, les défauts n’ont connu qu’une hausse modérée. Ils sont désormais attendus en baisse.

Il s’agit de la principale crainte des investisseurs sur le segment obligataire High Yield : ne pas être remboursés si l’émetteur devient insolvable. Pourtant, un tel événement est rare. Entre 2012 et 2019, seuls 3 à 4 défauts en moyenne ont été observés par an dans l’univers des titres High Yield libellés en euros. Il s’agit par ailleurs de défauts souvent partiels : toujours entre 2012 et 2019, le taux de recouvrement moyen a été compris entre 35% et 55% selon la séniorité des obligations.

Le risque n’est pas nul pour autant, ce qui se traduit par des rendements plus élevés sur ce segment de marché. En effet, une prime (« spread » de crédit) est appliquée pour compenser le risque lié aux pertes potentielles subies par les investisseurs en cas de défaut. Historiquement, le marché a demandé une prime de risque de l’ordre de 250 points de base (2,5%) par rapport au taux qui aurait été nécessaire pour couvrir les pertes réelles. Celles-ci ont donc été plus que compensées par les niveaux des spreads offerts par les émetteurs.

Un bilan 2020 beaucoup moins catastrophique qu’attendu

La crise sanitaire de 2020 a provoqué une récession sans précédent. Il n’est donc pas étonnant que, dans ce contexte, le taux de défaut ait augmenté. Néanmoins, la hausse a été beaucoup moins importante qu’attendu grâce aux mesures de soutien mises en œuvre par les États (chômage partiel, différés d’impôts, prêts garantis) qui ont permis d’assurer aux entreprises un bon niveau de liquidités. D’autre part, le marché obligataire a continué de fonctionner, garantissant ainsi l’accès au financement pour les entreprises.

Au cours de l’année 2020, 12 émetteurs se sont ainsi retrouvés en situation de défaut sur le segment des obligations High Yield libellées en euro. À fin février 2021, soit un an après le début de la crise, le taux de défaut sur les 12 derniers mois se situe à 4,7% sur le High Yield européen d’après les données de Moody’s. Un niveau bien loin de celui atteint en 2009 suite à la crise des subprimes (11,3%).

Notons que parmi ces entreprises, seules deux d’entre elles n’étaient pas notées « CCC » un an auparavant. Les entreprises n’ayant pas survécu à la crise sanitaire se trouvaient donc déjà dans une situation très fragile avant-crise. Par ailleurs, les taux de recouvrement[1] ont été particulièrement élevés : JP Morgan calcule un taux moyen de recouvrement de 60% sur les 12 derniers mois1. Les pertes liées aux défauts ont donc été plus faibles que celles observées lors de la crise souveraine européenne en 2012. À cette époque, le taux de défaut n’avait pas dépassé 3,6%, mais avec un taux de recouvrement plus faible.

2021 : vers un retour en-dessous des moyennes historiques

En 2021, la reprise de la croissance devrait contribuer à faire baisser graduellement le taux de défaut. Moody’s anticipe un retour à 2,5% en fin d’année, voire 2% dans un scénario optimiste. Il était de 1,5% en février 2020, juste avant la crise sanitaire, et s’est établi à 2,8% en moyenne sur les 15 dernières années.

De même, alors qu’en 2020 le nombre de « fallen angels[2] » avait été très important, la tendance devrait désormais se stabiliser, voire s’inverser en 2021. Nous avons d’ailleurs déjà pu observer deux « rising stars2 » depuis le début de l’année (Stellantis et Smufit Kappa).

En somme, le taux de défaut ne devrait plus constituer la principale préoccupation des investisseurs au cours des prochains mois. Dans ce contexte, l’univers High Yield, de par sa faible duration (3,4 ans) et ses spreads de crédits élevés, offre une alternative intéressante au sein de l’environnement obligataire.

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Risques spécifiques au segment high yield : risque de perte en capital, risque de crédit, risque de taux, risque lié aux instruments financiers dérivés, risque de contrepartie, risque lié aux pays émergents, risque lié aux actifs issus de la titrisation, risque action. Dans le cadre d’une gestion de fonds sur le segment high yield, s’ajoute un risque lié à la gestion discrétionnaire.

Article rédigé en date du 22 mars 2021. Les informations fournies n’ont pas vocation à constituer un conseil en investissement et sont destinées uniquement à des fins d’information. Les données utilisées dans ce document sont utilisées de bonne foi, mais aucune garantie ne peut être accordée quant à leur exactitude. Toutes les données contenues dans le présent document proviennent de Lazard, sauf indication contraire. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.

[1] Taux de recouvrement : pourcentage de l’emprunt remboursé malgré une situation de défaut de paiement. Un taux de recouvrement de 60% signifie que les émetteurs ayant fait défaut ont pu rembourser 60% de leur emprunt, mais n’ont pas été en mesure de rembourser les 40% restants (défaut partiel).

[2] Fallen angel : entreprise précédemment notée Investment Grade par les agences de notation ayant rejoint l’univers High Yield | Rising star : entreprise précédemment notée High Yield ayant rejoint l’univers Investment Grade.