Prêt familial de sommes d’argent

Lettre de la Gestion Privée 2e trimestre 2018 – Rubrique Patrimoine

 

Au sein d’une famille, on peut souhaiter aider financièrement un enfant, un petit-enfant, un neveu ou tout autre personne, sans nécessairement se dessaisir irrévocablement. A cet égard, le prêt de sommes d’argent permet de ne mettre des liquidités que temporairement à disposition du débiteur.

Les personnes physiques peuvent se consentir librement des prêts entre elles, sous réserve que ce type d’opération reste occasionnel. Et rien n’interdit l’absence de rémunération du prêt.

 

Eléments de contexte du prêt

Le prêt n’étant pas une donation, il ne donne pas lieu à l’exigibilité de droits de mutation. Par nature temporaire, il doit être remboursé à son créancier et constituait ainsi, sous l’empire de l’ISF, un passif déductible pour son débiteur et un actif taxable pour le créancier.

Attention, toutefois, au contexte dans lequel ce type de prêt est consenti. En effet, la cour de Cassation s’est prononcée sur des situations réunissant un “faisceau d’indices” permettant de caractériser une donation déguisée, sur le fondement de l’abus de droit.

Au terme d’une décision rendue le 8 février 2017, la cour de Cassation*1 approuve la décision d’appel jugeant fictive une succession de prêts qui dissimulent une donation déguisée. Une mère avait prêté des sommes d’argent à son fils pour un montant de 6 M€ environ aux termes de 6 actes de prêts sous-seing privé entre 1989 et 2003. Son fils avait mentionné les dettes en résultant au passif de ses déclarations d’ISF. Sur le fondement de l’abus de droit, l’administration fiscale a requalifié les prêts en donation déguisée.

Pour la cour, l’intention libérale est ici démontrée par l’absence de stipulation d’intérêt, le lien de parenté entre créancier et débiteur, l’âge théorique du prêteur lors du terme du premier prêt (i.e. 99 ans) qui rend aléatoire l’obligation de remboursement, la succession des prêts et l’absence de tout remboursement.

Dans une autre décision récente, du 7 mars 2018, la cour de Cassation*2 approuve également une décision d’appel jugeant qu’un prêt s’était transformé en donation indirecte. En novembre 2004, une grand-mère avait consenti un prêt de 600 K€ à son petit-fils, remboursable en une seule fois le 1er décembre 2006. En avril 2006, le contrat de prêt a été prorogé pour une durée de 10 ans. Dès 2012, l’administration fiscale a notifié le débiteur, refusant la déduction de la somme au passif de son ISF, retenant que le prêt avait fait l’objet d’une donation indirecte.

Pour la cour, l’intention libérale et l’acceptation des fonds par le petit-fils, sans intention de les rembourser, caractérisaient une transformation progressive du prêt en donation indirecte ; ceci démontré par le contexte de lien de parenté entre créancier et débiteur, l’âge théorique de la créancière au terme du prêt (i.e. 99 ans), le fait d’avoir conservé les sommes plus de 7 ans après leur versement sans les utiliser, ni effectuer le moindre remboursement, et l’absence de stipulation d’intérêt.

 

Formalisme à respecter

Le contrat de prêt délimitera, entre prêteur et débiteur, la temporalité et les conditions de remboursement des sommes avancées.

Qu’ils soient écrits, enregistrés, notariés ou simplement verbaux et dès lors que leur montant excède 760 €, ces prêts doivent obligatoirement être déclarés à l’administration fiscale au moyen du formulaire n° 2062 – qui comporte des renseignements sur l’identité du créancier et du débiteur, la date, la durée, le montant en principal et le taux éventuel du prêt.

En l’absence d’intermédiaire, la déclaration est adressée par le débiteur au service des impôts des particuliers dont il dépend, en même temps que sa déclaration de revenus l’année suivant celle de la conclusion du prêt.

Les prêts consentis par les établissements de crédit et professionnels ne sont pas concernés par cette formalité.

 

IFI et déductibilité des prêts familiaux

Depuis le 1er janvier 2018, l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) s’est substitué à l’ancien ISF. Recentré sur la fortune immobilière, ce nouvel impôt redéfinit les dettes immobilières déductibles, dont les dettes familiales sont désormais exclues, pour la plupart.

Les prêts consentis entre les membres du foyer fiscal (époux, partenaires de Pacs, concubins notoires et enfants mineurs) ne sont pas déductibles. De même que ceux consentis auprès d’un membre du groupe familial du redevable (ascendants, descendants, frères et sœurs), à moins que ce dernier ne puisse justifier du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements.

 

En conclusion, si l’on souhaite aider financièrement un membre de sa famille, il convient de veiller à prévoir un terme au prêt que l’on consent, le débiteur devra honorer ses échéances et les intérêts dus au créancier si une rémunération du prêt est prévue ; évidemment, on devra rester vigilant quant à l’âge du créancier au moment de la conclusion du prêt ou son âge théorique au terme. Par prudence, le prêt devrait avoir pour objectif de financer un bien ou un projet particulier, et non constituer une poche de liquidités disponibles durablement pour le débiteur. Enfin, il faut respecter le formalisme minimum de déclaration du contrat de prêt à l’administration fiscale.

Un prêt doit rester ce qu’il est, c’est-à-dire que le créancier ne doit pas se dépouiller irrévocablement. En effet, il s’agit d’une avance qui doit être remboursée dans les termes réalistes prévus lors de sa conclusion. Si l’intention est en réalité libérale, il convient sans doute de réaliser une donation.

* 1Cass. com. 8 février 2017 n° 15-21.366 F-D

*2 Cass. com. 7 mars 2018 n° 16-26.689.

 

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Published by

Karine Lecocq

Ingénieur patrimonial