Point de vue conjoncturel – Mars 2019

LA BCE DÉCALE SA PROCHAINE HAUSSE DES TAUX

Dans le sillage du virage accommodant de la Fed en janvier, la BCE a annoncé, le 7 mars, qu’elle reportait une éventuelle remontée de ses taux d’intérêt cette année. Elle prévoit désormais de les maintenir aux niveaux actuels « au moins jusqu’à la fin de 2019 » contre « au moins jusqu’à l’été 2019 » auparavant. Ce pour des raisons de crédibilité comme l’a indiqué Mario Draghi, le marché ayant déjà décalé ses anticipations.

En parallèle, la BCE a annoncé le lancement d’une nouvelle série de prêts à long terme ciblés pour les banques de la zone euro (TLTRO III), entre septembre 2019 et mars 2021, après deux vagues en 2014 et 2016. Les détails restent à préciser mais les conditions des prêts seront moins avantageuses que celles du TLTRO II, aussi bien en terme de durée, réduite de moitié à deux ans, que de coût du crédit. Ce dernier sera indexé sur le taux de refinancement alors qu’il pouvait auparavant être négatif.

Les données mensuelles de crédits bancaires montrent que les flux nets de crédits continuent de se redresser dans la zone euro. Mais l’arrivée à échéance du TLTRO II en 2020 aurait pu entraîner une dégradation des conditions de refinancement des banques, en particulier des banques italiennes, avec probablement des conséquences négatives sur les conditions d’octroi de crédits au secteur privé.

Ces annonces de la BCE ont été accompagnées d’un abaissement de ses prévisions de croissance et d’inflation sous-jacente, à respectivement +1,1% (-0,6 points) et +1,2% (-0,2 point) en 2019. La dégradation de ces prévisions de croissance semble davantage liée à des facteurs techniques (acquis de croissance pour 2019, perturbations du secteur automobile allemand, …) et aux risques globaux (Brexit, guerre commerciale, …) qu’à une remise en cause des fondamentaux soutenant la reprise économique de la zone euro. D’ailleurs, la BCE anticipe un retour de la croissance sur un rythme de 1,5% à partir du T3 2019.

Les enquêtes d’activité restent marquées par une faiblesse du secteur manufacturier : le PMI composite baisse de 51,9 à 51,3 ce qui reste au-dessus du point bas de janvier. Mais le secteur manufacturier chute à nouveau à 47,6, les commentaires faisant état d’une grande incertitude, notamment liée au Brexit. Les données d’activité ont été plus solides : en janvier, les ventes au détail dans la zone euro ont rebondi de 1,3% et la production industrielle de 1,4%. Et cela malgré une contraction de la production industrielle en Allemagne, liée au secteur de l’automobile. Les données des constructeurs montrent néanmoins un rebond de la production automobile allemande en février.

 

LA FED CONFIRME LE PRINCIPE D’UNE PAUSE

A l’issue de sa réunion du 20 mars, la Fed a laissé son taux directeur inchangé à 2,25%-2,50%, comme attendu. Mais l’enjeu portait davantage sur la mise à jour trimestrielle des prévisions de taux d’intérêt des membres du FOMC. Désormais, ceux-ci ne prévoient plus aucune hausse des taux cette année, contre deux envisagées en décembre. En revanche, les membres du FOMC prévoient toujours un relèvement supplémentaire de 25 points de base l’année prochaine et aucun en 2021. Par ailleurs, la Fed a annoncé qu’elle ralentira la réduction de son bilan à partir du mois de mai pour l’arrêter complètement en octobre 2019.

Ces annonces confirment ainsi le principe d’une pause de la Fed dans son cycle de resserrement monétaire, qui avait officiellement été amorcé par Jérôme Powell en janvier, suite à la forte correction des marchés. Le président de la Fed maintient un discours relativement optimiste sur la croissance américaine, malgré une légère révision en baisse des prévisions (- 0,2 point en 2019 à 2,1%), mais il estime que les développements domestiques et les risques internationaux incitent à ne pas se précipiter avant d’ajuster la politique monétaire.

Certaines statistiques d’activité ont en effet apporté de mauvaises surprises cette année. Les créations d’emplois en février sont ressorties à seulement 20 000, mais janvier avait vu un nombre très élevé de créations d’emplois, plus de 300 000, et la météo a dû peser, avec des températures polaires dans le Midwest. En outre, les autres données du rapport étaient bien orientées, avec une stabilité du nombre moyen d’heures travaillées et surtout une accélération du salaire horaire à +3,4% sur un an. La réalité est donc probablement moins sombre que ce brutal ralentissement des créations d’emplois ne pourrait le laisser penser. Les ventes au détail avaient également déçu, enregistrant une correction historique en décembre, mais elles ont rebondi en janvier.

Si Jérôme Powell est apparu plutôt confiant sur la croissance, son discours sur l’inflation était plus prudent. Lors de sa conférence de presse, il a indiqué qu’il n’avait pas l’impression que la Fed avait rempli de façon convaincante et de manière symétrique son mandat d’une inflation de 2%, suggérant qu’il pourrait tolérer un dépassement de cet objectif pendant une période de temps prolongée. La mesure d’inflation préférée de la Fed était nettement remontée depuis un an et demi mais elle a légèrement ralenti sur les derniers mois pour atteindre +1,9% sur un an en décembre.

LE GOUVERNEMENT RENFORCE SON SOUTIEN À L’ACTIVITÉ

Lors de son discours d’ouverture de l’Assemblée Nationale populaire, le premier ministre Li Keqiang a sans surprise annoncé viser une croissance comprise entre 6% et 6,5% en 2019 contre une cible fixée à « environ » 6,5% l’année dernière et une croissance réalisée de 6,6%. En pratique, il est probable que l’objectif se situe davantage dans la partie supérieure de cette fourchette que dans la partie inférieure. En effet, un résultat de 6,0 % rendrait difficile la réalisation de l’objectif du gouvernement d’un doublement du PIB d’ici 2020, qui nécessite une croissance d’environ 6,2 % en 2019 et 2020.

Pour atteindre son objectif de croissance, le premier ministre a par ailleurs annoncé un nouvel assouplissement de sa politique fiscale, en particulier une réduction de la TVA (de 3 points pour la tranche de 16% et de 1 point pour la tranche de 10%) et un abaissement des cotisations sociales. Le gouvernement a indiqué que le montant total des baisses de taxes pour 2019 représentera à peu près 2% du PIB (2000 Mds RMB). Les analystes estiment l’impact sur la croissance chinoise à environ 0,5 point de PIB, ce qui devrait permettre d’amortir les effets négatifs des inquiétudes sur le commerce international.

Les exportations chinoises ont enregistré une forte baisse en février (-20,7% sur un an) mais les statistiques de commerce extérieur sont particulièrement volatiles à cette époque de l’année, en raison du changement de calendrier du Nouvel an chinois, ce qui amène à relativiser la correction. En outre, la base de comparaison était très défavorable, les exportations ayant progressé de 43,6% en février 2018. Les négociations sino-américaines se poursuivent et les derniers développements sont favorables. L’administration américaine a finalement prolongé la trêve commerciale jusqu’à nouvel ordre, laissant espérer un accord.

Les autres données ont envoyé des signaux mitigés sur la conjoncture chinoise au premier trimestre. La publication des statistiques d’activité de janvier/février montre un ralentissement de la production industrielle (de +5,7% à +5,3%), mais l’investissement a légèrement rebondi (de +5,9% à +6,1%) et les ventes au détail se sont stabilisées. En février, la croissance du crédit est repartie à la baisse, après un net rebond en janvier, et le PMI composite de Caixin s’est dégradé pour le deuxième mois d’affilée, passant de 50,9 à 50,7. Ce léger repli masque toutefois une augmentation de la composante nouvelles commandes qui laisse espérer un rebond de la production.

 

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 25 mars2019 et est susceptible de changer

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