Point conjoncturel – mars 2016

1) Zone euro : mission accomplie pour Mario Draghi

 

Les attentes autour de la réunion de la BCE du 10 mars étaient élevées, suite à la déception liée aux annonces de décembre et à la réunion de janvier qui laissait attendre de nouvelles mesures d’assouplissement. Cette fois-ci, Mario Draghi n’a pas déçu.

Les différentes mesures annoncées – baisses des trois taux directeurs, augmentation du montant mensuel des achats d’actifs, élargissement de la gamme des actifs éligibles au programme d’achats aux obligations d’entreprises non-financières bien notées, nouveaux TLTRO – devraient selon nous permettre de pérenniser la reprise en zone euro sans entamer les perspectives économiques du secteur bancaire européen, l’un des principaux défis que devait relever le président de la BCE (voir note « BCE : quelles conséquences pour l’économie et les banques de la zone euro ? »).

Sur le front de la conjoncture, les nouvelles restent bonnes. La croissance du PIB au quatrième trimestre a été revue en hausse à +1,3% en rythme annualisé en seconde estimation et le détail montre que la demande domestique reste solide (voir graphique de la semaine « Poursuite de la reprise de la consommation des ménages »).

Les enquêtes PMI restent cohérentes avec une croissance de l’ordre de 1,5%-2,0%. En estimation préliminaire pour le mois de mars, l’indice PMI composite de la zone euro a repris le chemin de la hausse, passant de 53,0 à 53,7.

Les premières données d’activité pour la zone euro viennent valider le message des enquêtes et laissent espérer un bon premier trimestre. En janvier, la production industrielle a fortement progressé (+2,1% sur le mois), le volume des ventes au détail a continué de se redresser (+0,4% sur le mois) et les nouvelles immatriculations sont restées bien orientées en février.

Seul bémol, l’inflation, qui est repassée en territoire négatif au mois de février où elle s’est établie à -0,2% sur un an. Elle devrait toutefois réaccélérer une fois les effets de base liés aux prix de l’énergie disparus.

La poursuite de la reprise et la baisse du taux de chômage (10,3% en janvier, au plus bas depuis septembre 2011) devraient par ailleurs conduire à un affermissement des salaires qui permettra à l’inflation core de se redresser (+0,8% sur un an en février).Graph point Zone euro

2) Etats-Unis : une nouvelle révision en baisse de la trajectoire des Fed Funds

 

Si aucun mouvement de hausse des taux n’était attendu lors de la réunion de la Fed du 16 mars, le comité de politique monétaire et sa présidente, Janet Yellen, ont surpris le marché en adoptant une position très « dovish », que ce soit dans le discours ou en abaissant les anticipations de taux directeur. Là où celles-ci impliquaient quatre hausses pour l’année 2016, elles n’en impliquent plus que deux.

En prenant du retard par rapport à la trajectoire initialement anticipée, la Fed risque de se retrouver dans la situation qu’elle souhaitait éviter, à savoir devoir remonter les taux brutalement si l’inflation continue d’accélérer, au risque de créer une panique sur le marché obligataire et de pénaliser davantage la croissance (voir note “Fed : une mauvaise habitude ?”)

Les chiffres d’inflation sont d’ailleurs un peu plus forts. Pour le deuxième mois consécutif, les prix ont augmenté de 0,3% dans la catégorie hors énergie et alimentation. S’il est encore trop tôt pour pouvoir parler d’une réelle accélération de l’inflation, force est de constater qu’il s’agit de la plus forte progression sur les deux derniers mois depuis le printemps 2006. Le glissement annuel des prix hors énergie et alimentation atteint maintenant 2,3%, son plus haut niveau depuis 2008 (voir graphique de la semaine « Etats-Unis : des chiffres d’inflation un peu plus forts »).

Sur le plan de la croissance, la dégradation des indicateurs économiques au début du mois de février a amené plusieurs commentateurs à anticiper une entrée en récession de l’économie américaine. Dans notre note de début mars qui revient en détail sur cette question (voir note « Croissance américaine, récession ou simple ralentissement ? »), nous concluions que les Etats-Unis étaient davantage dans un ralentissement de milieu de cycle qu’à l’orée d’une nouvelle récession.

Les statistiques économiques publiées depuis lors nous semblent valider ce message. Les créations d’emplois dans le secteur privé ont accéléré à +230 000 au mois de février et les inscriptions hebdomadaires au chômage restent sur des niveaux proches des plus bas historiques, montrant que le marché du travail américain est toujours dynamique.

Par ailleurs les enquêtes ISM, dont la baisse avait cristallisé les inquiétudes des investisseurs, ont cessé de se dégrader. L’indice ISM du secteur manufacturier s’est redressé pour le deuxième mois consécutif en février, passant de 48,2 à 49,5, et celui du secteur non-manufacturier s’est stabilisé à 51,5.

Les indicateurs d’activité sont plus mitigés. La production manufacturière a augmenté pour le deuxième mois consécutif en février et les enquêtes dans ce secteur (Empire et Phili Fed) se redressaient en mars. En revanche, si la consommation des ménages avait bien progressé en janvier, les ventes au détail étaient seulement stables en février, et les commandes de biens d’investissement hors éléments volatils, qui avaient fortement rebondi en début d’année, sont reparties à la baisse.graph point zone usa

3) Chine : un objectif de croissance ambitieux pour cette année

 

Le premier ministre chinois, Li Keqiang, a présenté devant l’Assemblée nationale populaire les objectifs du gouvernement pour 2016. Sans surprise, la cible de croissance pour cette année a été abaissée à 6,5%-7,0%, ce qui reste un objectif relativement ambitieux compte tenu du ralentissement structurel de l’économie.

Pour que la croissance ne tombe pas en dessous de 6,5% par an, qui correspond au rythme nécessaire pour atteindre l’objectif d’un doublement du PIB par tête sur la décennie 2010-2020, le document de travail présenté par le gouvernement prévoit de maintenir une politique économique accommodante.

La cible de déficit budgétaire a été rehaussée à 3,0% du PIB cette année, contre 2,3% du PIB l’année dernière, et la banque centrale a envoyé un signal fort, fin février, en abaissant le coefficient des réserves obligatoires des banques pour la première fois depuis quatre mois.

Sur le plan des réformes structurelles, les autorités chinoises ont réaffirmé leur volonté de poursuivre les réformes du côté de l’offre, visant une réduction des surcapacités dans l’industrie et la restructuration des entreprises publiques.

A ce sujet, la banque centrale finaliserait la rédaction d’une règlementation autorisant les banques commerciales à échanger des créances risquées contre des actions (debt to equity swap), posant des questions de rentabilité pour les banques.

Sur le plan conjoncturel, les statistiques économiques pour les mois de janvier-février, montrent que le maintien de la croissance dans la fourchette cible ne sera pas une simple formalité.

La réduction des surcapacités continue de peser sur la croissance de la production industrielle (+5,4% sur un an) et le volume des ventes au détail a ralenti (+9,6% sur un an) en raison de l’affaiblissement des ventes de voitures qui avaient bien progressé sur les derniers mois suite aux baisses de taxes sur les achats de petites cylindrées.

Le point positif est que l’investissement se redresse depuis quelques mois. Par ailleurs, on constate une amélioration dans le secteur de l’immobilier qui avait beaucoup pesé sur la croissance l’année dernière. Les mesures de soutien ont permis une accélération des ventes de logements (+30,5% sur un an en volume en février), absorbant une partie des stocks, ce qui commence à se répercuter sur les mises en chantier, qui accélèrent (+9,7% sur un an en février).

graph point zone chine

 

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