Keep Calm and Carry On – du moins en dehors du UK

Quatre semaines après le vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union Européenne, les marchés financiers semblent avoir suivi l’injonction du gouvernement britannique à la population durant la deuxième guerre mondiale “Keep Calm and Carry On”. Après une première séance le 27 juin marquée par des mouvements de très grande ampleur, les marchés se sont depuis calmés. Si la livre n’a pas rebondi, les marchés actions sont maintenant proches de leurs niveaux d’avant referendum, voire au-dessus pour le FTSE 100 et le S&P 500, le premier bénéficiant de la présence de nombreux exportateurs qui profitent de la baisse de la livre. Les taux des obligations d’État restent inférieurs à leurs niveaux d’avant référendum, mais nous n’avons pas observé de réévaluation majeure du risque de crédit. Cette relative sérénité s’explique sans doute par la transition politique britannique rapide et par le fait que ce processus de sortie ne sera pas précipité.

Ce calme financier est un facteur important car, au-delà des impacts directs sur les importations britanniques, la tension des conditions financières et la dégradation de la confiance constituaient les principaux canaux de contagion. C’est en tout cas par ceux-ci que les scénarios les plus négatifs pour la croissance mondiale auraient pu se produire. La publication des indices PMI avancés pour le mois de juillet montre que l’impact semble pour l’instant circonscrit au Royaume-Uni. Ceci dit, c’est un processus long qui s’ouvre devant nous et qui peut réserver de nouvelles surprises.

« Brexit means Brexit »

Après une campagne interne riche en trahisons et en rebondissements, le désistement d’Andrea Leadsom dans la phase finale avant le vote des membres du Parti Conservateur, a ouvert la voie à la nomination de Theresa May comme leader des Conservateurs et donc comme Premier Ministre. Celle-ci a donc pu prendre ses fonctions le 13 juillet, alors qu’initialement il aurait fallu attendre début septembre. Theresa May est une femme de 59 ans qui a tenu pendant six ans un des ministères réputés les plus durs, celui de l’intérieur. Une réputation de sang-froid, de sérieux et d’intégrité la précède.

Dans la constitution de son gouvernement, elle s’est séparée de David Cameron, Georges Osborne ou bien encore Michael Gove et a attribué de nombreux postes à des partisans du Brexit. Nous pouvons noter que son gouvernement compte plus d’anciens élèves de l’enseignement public, manière de faire écho à un sentiment de défiance vis-à-vis des élites qui a pu s’exprimer dans ce vote. Les premières déclarations de Theresa May montrent un souci de mener une politique inclusive dans la tradition des « one-nation » tories, en ligne avec ce que David Cameron souhaitait faire.

Philip Hammond, ancien ministre des affaires étrangères, a été nommé chancelier de l’Échiquier. Ses dernières déclarations laissent envisager une pause dans les efforts de réduction du déficit (-4,2% pour l’année fiscale 2015), l’objectif d’un retour à l’équilibre en 2020 à la fin de la législature actuelle étant abandonné. Aucun budget d’urgence ne devrait être annoncé avant la traditionnelle présentation du budget en novembre. Si Philip Hammond a déclaré que les premières mesures en réaction à ce choc d’incertitude devaient être prises par la Banque d’Angleterre (BoE), il a ouvert la voie à une politique budgétaire plus accommodante dans les prochaines années.

Si la Banque d’Angleterre (BoE) s’est abstenue de toute action lors de sa réunion du 14 juillet, elle a clairement laissé entendre que de nouvelles mesures seraient prises en août. Une baisse du taux directeur, actuellement à 0,50%, est une quasi-certitude, mais il faut garder à l’esprit que Mark Carney, gouverneur de la BoE, n’est pas très favorable aux taux négatifs. En fonction de l’évolution de la conjoncture, mais sans doute dans un deuxième temps, le programme d’achat de titres pourrait être repris et potentiellement élargi à d’autres actifs tels que les obligations privées.

Pour ce qui est de la procédure de sortie, Theresa May a clairement fait savoir que le vote engageait le gouvernement britannique. Elle ne semble pas disposée à mener des manœuvres dilatoires et à essayer de causer un changement d’opinion sur la question. C’est pourquoi le nouveau Premier Ministre a nommé à des postes clés des responsables qui ont fait campagne en faveur de la sortie de l’Union Européenne (UE) : Boris Johnson a été désigné nouveau ministre des affaires étrangères et David Davis devient secrétaire d’État pour la sortie de l’UE.

Il semble acquis que les britanniques vont attendre plusieurs mois avant d’activer l’article 50. Malgré l’insistance de la Commission Européenne et de plusieurs pays, Angela Merkel souhaite laisser le temps aux britanniques de définir leur approche pour les négociations et François Hollande s’est rangé à son avis. L’article 50 devrait être activé au début de l’année prochaine, mais il n’y aura pas de négociations informelles sur le fond avant. En revanche, les britanniques et l’Union Européenne vont certainement commencer par discuter d’un code de conduite et d’un calendrier pour ces négociations. Il s’agirait notamment d’autoriser le Royaume-Uni à commencer à entamer la discussion de nouveaux accords commerciaux avant sa sortie de l’UE, ceci étant actuellement interdit.

David Davis a déclaré souhaiter que la sortie soit effective à la fin de l’année 2018. L’objectif des britanniques serait de maintenir un accès sans droits de douane au marché unique tout en retrouvant le contrôle de leurs frontières et des flux de personnes. Theresa May a identifié ce dernier point comme étant celui qui a le plus pesé dans le référendum et il semble que ce sera un sujet sur lequel le gouvernement britannique ne transigera pas. Mais à ce jour, tous les dirigeants européens ont insisté sur le fait qu’un accès au marché unique nécessitait l’acceptation de la liberté de mouvement des personnes. Si l’on ajoute la question du passeport pour les activités financières et la négociation de nouveaux accords bilatéraux avec les autres pays, les négociateurs britanniques vont avoir de nombreuses questions à traiter et une certaine prudence semble de mise par rapport aux objectifs optimistes déclarés par David Davis.

Un impact pour l’instant limité au Royaume-Uni

S’il l’on pouvait craindre une contagion par les canaux de la confiance et des marchés financiers, celle-ci semble pour l’instant très faible. Le Royaume-Uni est effectivement touché par divers canaux. Le principal est la baisse de la devise britannique (voir graphique 1) qui a commencé à tirer à la hausse les prix des importations (voir graphique 2), ce qui devrait amener une hausse de l’inflation et peser sur la consommation.

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Les prix de l’immobilier commercial sont sous pression, ce qui a entrainé des fermetures de fonds ouverts investis dans ces actifs, amenant certains à faire la comparaison avec les débuts de la crise financière en 2007. Mais la situation est toute autre aujourd’hui. A l’époque, il s’agissait de produits monétaires « dynamiques » entraînant un risque pour les entreprises de ne pas pouvoir accéder à leur trésorerie alors qu’il s’agit aujourd’hui de produits réputés plus risqués. Par ailleurs l’actif sous-jacent est cette fois-ci un actif physique plus facile à valoriser et à céder qu’une tranche de CDO.

Dans un contexte de taux d’intérêts très bas, le niveau de rendement peut être attractif pour des investisseurs institutionnels, surtout si la transaction se fait à un prix décoté. Par exemple, selon Bloomberg, le fonds souverain norvégien aurait acheté un ensemble immobilier à Aberdeen Asset Management avec une décote de 15%. C’est donc avant tout un problème de liquidité, plus qu’un problème de solvabilité : ces fonds achètent des actifs très peu liquides et promettent une liquidité quotidienne. Ceux qui avaient conservé un volant de trésorerie important n’ont pas eu besoin de fermer.

Globalement, les conditions financières sont restées accommodantes (voir graphique 3) aussi bien au Royaume-Uni que dans la zone euro. Néanmoins, dans un contexte où le cadre institutionnel de l’activité internationale des entreprises britanniques se trouve remis en question, les entreprises restreignent leurs activités. Les indices PMI avancés, publiés le 22 juillet, sont maintenant à un niveau cohérent avec une contraction de l’activité (voir graphique 4).

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À en juger par les premiers indicateurs pour le mois de juillet, la zone euro apparaît pour l’instant peu impactée. La confiance des consommateurs n’a que marginalement baissé et le PMI composite a reculé de seulement 0,2 point à 52,9, alors que le consensus attendait une baisse plus forte à 52,5. Ce niveau reste cohérent avec une croissance de 1,5% en rythme annualisé (voir graphique 5).

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Le comportement des spreads des pays périphériques montre que la contagion « politique » semble pour l’instant écartée par les marchés (voir graphique 6). Il est clair que l’action de la Banque Centrale Européenne limite le risque d’embardée sur ces obligations, mais il faut aussi prendre en compte le résultat des élections espagnoles du 26 juin qui a vu Podemos échouer dans ses manœuvres pour conquérir le pouvoir. Pour l’instant aucun autre pays n’a annoncé vouloir tenir un référendum sur l’appartenance à l’Union Européenne. Néanmoins, dans un contexte où une partie non négligeable des populations des pays développés est en colère, où la parole des élites et experts n’est plus écoutée et où les questions migratoires prennent le pas sur les questions économiques, la politique peut rester la source de surprises dans les prochains mois. Ceci dit, comme le montre le vote espagnol, le pire n’est jamais sûr.

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Conclusion

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Récapitulatif PMI Flash publiés le 22/07/16

Tab récap PMI Flash 22.07.16

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de juillet 2016 et est susceptible de changer.

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